Le Syndrome de L’imposteure

Le Syndrome de L’imposteure : pourquoi il m’a fallu des mois pour oser parler de moi

Entre socialisation, injonctions et invisibilisation, reprendre sa place devient un acte de résistance.

Introduction

Lorsque j’ai commencé à rédiger mon site ATYPIK WOMEN, tout s’est mis en place assez naturellement : la structure, les thématiques, les propositions… Mais il y a une page qui m’a littéralement paralysée. Celle que l’on retrouve presque systématiquement sur les sites professionnels : Qui suis-je ? et Pourquoi ce projet ?

Étrangement, ce n’est pas le manque d’idées qui m’a freinée. Ni le manque de matière : j’ai des diplômes, des compétences, des qualifications, de l’expérience dans le public, le privé, l’entrepreneuriat, un parcours riche, des formations en cascade, des reconversions, des projets à foison. Mais je me suis retrouvée incapable d’écrire sur moi, de me présenter sans détour, sans fausse modestie, sans minimiser. Comme si prendre ma place, mettre en mots mes compétences, affirmer ma légitimité… allait forcément paraître prétentieux, ou déplacé.

J’ai compris alors, avec une clarté foudroyante, que ce qui me bloquait, ce n’était pas l’inspiration mais bien le retour du syndrome de l’imposteure que je pensais avoir définitivement vaincu.

Un syndrome insidieux, discret, souvent bien caché derrière le perfectionnisme, l’exigence, la pudeur aussi. Mais un syndrome profondément ancré, surtout chez les femmes. Celles qui, comme moi, ont appris à briller sans faire trop de bruit. À exceller sans déranger. À réussir sans oser le revendiquer.

C’est ce vécu, personnel mais partagé par tant d’autres, que j’ai voulu mettre en lumière ici. Parce qu’en parler, c’est déjà commencer à reprendre sa place.

2. Définition et origines du syndrome de l’imposteure

Le syndrome de l’imposteure a été théorisé pour la première fois en 1978 par deux psychologues américaines, Pauline Clance et Suzanne Imes, à partir d’un constat frappant : de nombreuses femmes qu’elles accompagnaient, pourtant brillantes et reconnues dans leur domaine, exprimaient un sentiment diffus de fraude. Comme si elles avaient usurpé leur place, comme si leur réussite n’était que le fruit d’un malentendu.

Le terme « syndrome » est d’ailleurs trompeur : il ne s’agit pas d’un trouble mental reconnu au sens médical du terme, mais bien d’un phénomène psychologique courant, qui touche de nombreuses personnes, en particulier dans les milieux compétitifs ou élitistes. Il se caractérise par une incapacité à intégrer ses propres réussites, un doute constant quant à sa légitimité, et la peur irrationnelle d’être “démasquée”.

Ce doute n’a rien à voir avec une lucidité humble ou une saine remise en question. Il prend racine dans des mécanismes profondément ancrés, souvent invisibles, comme :

  • l’intériorisation des normes de performance inatteignables,

  • le perfectionnisme paralysant,

  • l’auto-sabotage,

  • la disqualification systématique de ses réussites (“j’ai juste eu de la chance” ou “je n’ai rien fait d’extraordinaire”).

Plus on avance dans un parcours, plus les responsabilités augmentent, plus le syndrome peut se renforcer : le paradoxe, c’est que ce sont souvent les femmes les plus compétentes, les plus rigoureuses, les plus engagées… qui doutent le plus d’elles-mêmes.

Et pourtant, elles ne sont ni seules, ni “trop sensibles”, ni inadaptées. Elles évoluent simplement dans un monde qui, trop souvent encore, ne leur renvoie pas leur propre valeur.

3. Pourquoi touche-t-il (surtout) les femmes ?

Avant d’aller plus loin, un mot sur l’écriture.

Tu auras remarqué que j’écris “imposteure” avec un e. Ce n’est pas une coquetterie stylistique, ni une faute d’orthographe assumée : c’est un choix politique, symbolique, sémantique. Car si ce syndrome peut en théorie toucher tout le monde, ce sont bien les femmes qui, massivement, en sont les premières victimes. Il me paraissait donc essentiel de féminiser ce terme, pour le rendre visible — à l’image de tant d’autres réalités féminines trop longtemps passées sous silence.

Pourquoi ce syndrome est-il si largement partagé par les femmes, y compris les plus compétentes, les plus diplômées, les plus brillantes ?

La réponse se trouve en grande partie dans la socialisation genrée. Dès l’enfance, les filles sont encouragées à être sages, appliquées, mais pas trop affirmées. À se montrer gentilles, mais pas trop ambitieuses. À réussir, mais sans écraser. À exceller, mais sans déranger. Cette injonction à la discrétion, à l’humilité, à la douceur — quand elle est intériorisée — empêche souvent les femmes d’assumer pleinement leur valeur et leur légitimité.

Cette question de la socialisation primaire — et de la manière dont filles et garçons sont éduqués différemment dès le plus jeune âge — fera l’objet d’un prochain article du blog. Car comprendre d’où viennent nos blocages, c’est la première étape pour mieux s’en libérer.

Par ailleurs, dans de nombreux milieux professionnels — notamment ceux où les hommes sont encore largement surreprésentés — le manque de modèles féminins empêche les femmes de se projeter. Ce phénomène est d’autant plus marqué lorsqu’on cumule plusieurs facteurs d’invisibilisation : femmes racisées, LGBTQIA+, issues de classes populaires, en situation de handicap… Le sentiment d’illégitimité peut devenir alors une seconde peau, usante, épuisante, aliénante.

Le syndrome de l’imposteure ne vient pas de l’intérieur : il est le produit d’un système. Et ce système, nous le déconstruisons chaque fois que nous osons dire : Oui, je suis compétente. Oui, j’ai ma place. Non, je ne suis pas une fraude.

 4. Les manifestations du syndrome

Le syndrome de l’imposteure ne se voit pas toujours. Il agit en silence, comme un bruit de fond mental, qui colore chaque succès d’un doute insidieux. Il n’empêche pas toujours d’avancer, mais il rend chaque pas plus lourd.

Voici quelques-unes de ses manifestations les plus fréquentes – et les plus pernicieuses.

  • Minimiser ses réussites

Chaque accomplissement est aussitôt relativisé, effacé, dégonflé.

“J’ai eu ce poste, mais ils cherchaient juste une femme.”
“J’ai eu mon diplôme, mais franchement, ce n’était pas si dur.”
On parle pourtant ici de femmes qui travaillent deux fois plus que les autres, qui anticipent, qui vérifient tout, qui redoublent d’exigence… mais qui, au moment de récolter, s’excusent presque d’exister.

  • Attribuer le mérite à la chance, aux circonstances, aux autres

Le syndrome de l’imposteure dérobe l’autocrédit. Tout est mis sur le dos de facteurs extérieurs :

“J’ai eu de la chance.”
“J’ai juste été au bon endroit au bon moment.”
Rarement : “J’ai travaillé pour ça. Je le mérite.”

  • Peur constante d’être « démasquée »

Malgré les preuves, les validations, les reconnaissances, une angoisse persiste :

“Et si un jour quelqu’un se rendait compte que je ne suis pas aussi compétente qu’on le croit ?” C’est une peur irrationnelle mais tenace, qui pousse à la surcompensation permanente.

  • Perfectionnisme excessif et surinvestissement

Pour “prouver” qu’on mérite sa place, on en fait toujours plus. On relit vingt fois ses mails. On refuse de déléguer. On dit oui à tout. On se suradapte. On s’épuise. Ce n’est pas une quête d’excellence, c’est une quête de légitimité. Et c’est usant.

  • Auto-censure et invisibilisation

On n’ose pas postuler, pas prendre la parole, pas se rendre visible. On reste “dans l’ombre” volontairement, par peur de se mettre en danger. Et paradoxalement, on s’en veut ensuite de ne pas être reconnue.

  • État d’alerte émotionnelle permanent

Le syndrome de l’imposteure, c’est aussi une tension de fond, une fatigue mentale constante. Car vivre avec la sensation de devoir prouver sa valeur en continu, c’est vivre dans un état de vigilance émotionnelle permanent. Et personne ne peut tenir indéfiniment dans ces conditions.

5. Comment s’en libérer (progressivement)

Il n’y a pas de remède miracle, pas de baguette magique pour faire taire définitivement cette petite voix qui murmure qu’on n’est pas « assez ». Mais il existe des chemins de désenvoûtement, des manières de reprendre le pouvoir, progressivement, doucement, mais fermement.

-> Nommer, c’est déjà résister

Mettre des mots sur le syndrome, c’est le faire sortir de l’ombre. Dire à voix haute :

“Je doute de moi alors que j’ai les preuves de ma compétence” ce n’est pas s’affaiblir. C’est commencer à regarder en face ce qui nous a été transmis, imposé, inculqué.

-> Déconstruire les injonctions intériorisées

On a appris à ne pas faire de vagues, à ne pas prendre trop de place, à ne pas déranger. Ces messages — souvent transmis avec douceur, parfois avec brutalité — ont tissé en nous une carte mentale biaisée de notre valeur. Il est temps de la redessiner.
Non, l’humilité n’est pas l’oubli de soi.
Non, l’exigence ne justifie pas l’autoflagellation.
Non, la douceur n’est pas incompatible avec la puissance.

-> S’entourer de femmes lucides et bienveillantes

Le syndrome de l’imposteure prospère dans le silence et l’isolement. Il s’affaiblit dans la sororité, dans la conversation sincère entre femmes qui osent dire :

“Moi aussi, j’ai douté.”
“Moi aussi, j’ai eu peur de me rendre visible.”
Créer ou rejoindre des cercles, des réseaux, des espaces de parole peut être profondément réparateur.

-> Apprendre à recevoir

Recevoir un compliment, un remerciement, une reconnaissance sans se dérober, sans renvoyer la balle, sans dire “c’est rien”.

Simplement : “Merci.”

Et si c’est difficile, on commence petit à petit, comme une gymnastique intérieure.

-> Revisiter son propre récit

Regarder son parcours autrement : non pas à travers les manques, les hésitations, les accidents, mais à travers les choix, les actes, les résistances.

Ce que tu as fait, ce que tu as traversé, ce que tu continues de construire… est profondément légitime.

-> Chercher du soutien professionnel si besoin

Coaching, thérapie, mentorat : il n’y a aucune honte à demander de l’aide.
Le syndrome de l’imposteure n’est pas une fragilité individuelle : c’est le symptôme d’un système. Apprendre à s’en extraire demande parfois un accompagnement.

6. Conclusion : Reprendre sa place est un acte politique

Le syndrome de l’imposteure n’est pas un défaut personnel à corriger. Ce n’est pas une faille de caractère, ni un manque de confiance passager.

C’est le résultat d’une éducation genrée, d’un conditionnement social, d’une histoire collective qui a appris aux femmes à douter d’elles, à se contenir, à se justifier. C’est une manifestation intime d’un déséquilibre structurel.

Alors, non, ce n’est pas à nous de nous adapter éternellement à des espaces qui ne nous ont pas été pensés. Ce n’est pas à nous de nous excuser de réussir, de parler, d’exister pleinement.

Prendre sa place. S’autoriser à dire “je”. Revendiquer sa légitimité. Reconnaître la valeur de son parcours. C’est politique. C’est nécessaire. C’est urgent.

Et si tu ressens, toi aussi, ce doute intérieur, ce petit poison qui murmure que tu ne mérites pas, que ce n’est pas encore le bon moment, que d’autres feraient mieux que toi… sache une chose : Tu n’es pas seule. Et tu n’as plus à t’excuser d’être là.

Je suis Hakima , fondatrice d’ATYPIK WOMEN.

Sociologue du Travail, Consultante en Communication & Ressources Humaines, Experte Genre & Diversité, Créatrice de contenus, Formatrice et Femme engagée pour une société plus juste, plus lucide et plus libre.
Si cet article a résonné avec toi, je t’invite à le partager, à en parler, ou simplement à t’autoriser à briller, un peu plus, un peu mieux. Parce qu’il est temps.

Pour aller plus loin…

Chez ATYPIK WOMEN, j’ai voulu créer des espaces concrets pour accompagner cette reconquête intérieure.

🌿 Des retraites pour se reconnecter à soi, retrouver du souffle, et rompre avec le rythme effréné qui alimente le doute.

🎓 Des formations pour développer ses compétences, renforcer sa légitimité, et apprendre à communiquer avec force et clarté.

🤝 Des coachings personnalisés pour celles qui veulent être accompagnées dans leur cheminement, à leur rythme, sans jugement.

🌺 Un réseau féminin pour sortir de l’isolement, partager ses expériences, tisser des liens sincères et se soutenir mutuellement.

Tout cela existe pour toi, pour nous, pour toutes celles qui ont trop longtemps cru qu’elles devaient faire leurs preuves.

Tu es légitime. Tu es capable. Tu peux commencer maintenant. Rendez-vous sur www.atypikwomen.com pour en savoir plus.

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